Ca parait fou aujourd'hui mais dans les années 80, les allusions qu'on trouverait racistes et douteuses aujourd'hui étaient courantes. Il y avait les caricatures vocales de Michel Leeb dans ses sketchs ("L'Africain" ou "Le Bridé"), les bonbons au réglisse "têtes de nègre", les pubs avec des stéréotypes comme celle pour Free Time (ci-dessous à gauche), les cahiers Super Conquérant (ci-dessous à droite et ICI en vidéo) ou le couscous "Saupiquet" avec l'accent maghrébin bien caricatural. Des pubs inimaginables de nos jours mais qui étaient pourtant diffusées à la télé devant des millions de Français à l'époque. Le pire c'est que personne n'était réellement choqué.
Et puis il y avait les biscuits Bamboula, des sablés cacaotés aux pépites de chocolat, commercialisés en 1987 par la marque Saint Michel à destination des enfants.
Pourquoi Bamboula ? Parce que le biscuit était au cacao, tout bêtement. Bravo le marketing ! Et qu'ils n'aillent pas raconter aujourd'hui que c'était une allusion à la fiesta entre potes ou au tambour du même nom.
Le personnage de Bamboula, un petit africain à la tenue léopard avec un béret et un anneau à l'oreille, a été créé par l'artiste Mallock en 1985 suite à un appel d’offre et à un concours qu'il gagna avec ses dessins. Il créa par la suite tout un univers autour de son personnage.
Ci-dessous un paquet de 1992 avec des sachets individuels. Il y avait des dessins d'animaux sur les biscuits.
Et ici la version mini des biscuits.
La mascotte remporta un vif succès auprès des enfants, si bien que St Michel déclina des mini bandes dessinées imaginées par Mallock à l'effigie du petit bonhomme à la bouille sympathique. Elles étaient offertes avec les lots de 2 paquets de biscuits.
Deux pubs magazines annonçant les histoires en BD.
La couverture de 6 mini bandes-dessinées.
Quelques planches.
La pub télé de 1988 annonçant l'offre.
La biscuiterie a aussi édité un magazine, "Le journal de Bamboula", avec des reportages, des BD et des jeux concours.
Une publicité magazine qui parle du journal et propose un jeu concours avec le WWF pour aider les animaux.
Produits dérivés
Le petit personnage a été décliné sous de très nombreuses formes : autocollants, figurines, pin’s, porte-clefs, magnets, peluche, tirelire et même des habits, des lacets, un réveil, une montre etc... Tous ces produits dérivés ont envahi les foyers pour le plus grand bonheur des enfants.
Chanson
Bamboula a eu sa propre chanson en 1987.
En voici le 45 tours recto-verso. On y apprend les noms des amis du petit héros.
A écouter ICI.
Cassette audio avec la "Saga Bamboula".
St Michel proposait également des jeux sur Minitel. La pub télé ICI.
Le village du scandale
En 1994, le succès des biscuits est tel que St Michel décide de sponsoriser un parc à thème dans le parc zoologique "Safari Parc" créé deux ans plus tôt à Port-Saint-Père (30 kilomètres de Nantes).
Dans le "village de Bamboula", inauguré le 13 avril 1994, on pouvait voir 25 hommes, femmes et enfants venus tout droit de Côte-d'Ivoire en tenue traditionnelle au milieu de cases factices et d'animaux de la savane (la visite du parc où se trouvaient des centaines d'animaux se terminait par le village Bamboula).
Ci-dessous une campagne d'affichage et la brochure.
Les cases accueillaient des artisans qui pratiquaient leur art traditionnel devant les touristes : un forgeron, un potier, un tisserand, un peintre et un sculpteur. Des musiciens et des danseurs en habits traditionnels (donc légèrement vêtus) se produisaient également tout au long de la journée, été comme hiver.
Par contrat, et quand la température le permettait, ils devaient être torse nu, même les femmes !
Dany Laurent, le directeur du Parc Safari Africain avait déclaré "Ce village, c’est une première sur le sol français et même sur le sol européen. Je me suis inspiré d’un village authentique qui s’appelle Fégéré en Côte d’Ivoire. J’ai voulu que ce soit une vraie reconstitution. […] Le but ici est de promouvoir le tourisme en Côte d’Ivoire".
Cette ouverture créa une grosse polémique, de nombreuses plaintes pour non-respect du Code du travail et des droits de l'homme furent déposées. Ces personnes volontaires étaient sous convention avec le ministère du tourisme ivoirien, elles n'avaient pas de visa de travail et étaient privées de leur passeport. Et qui plus est, elles étaient également sous-payés (et en francs CFA)
Les artistes, parmi lesquels figuraient des enfants (sans leurs parents restés en Côte d'Ivoire), travaillaient 6 jours sur 7. Personne n’avait pensé qu’il pouvait y avoir une obligation scolaire.
Ils vivaient tous entassés dans une maison non loin du parc et n'en sortaient que pour aller travailler.
En octobre 1994, grâce aux associations et syndicats qui soulevèrent ce scandale, et 6 mois seulement après son ouverture, le zoo humain aux relents colonialistes fut fermé et St Michel stoppa net la commercialisation des biscuits Bamboula. Ils ne figurent d'ailleurs pas dans la rubrique historique sur le site internet de la marque.
En 1997, le tribunal de grande instance de Nantes condamna le Safari Africain pour des violations du droit du travail et atteinte à la dignité humaine.
Un reportage vidéo sur ce fameux village du scandale à voir ICI.
Le parc de Port-Saint-Père existe encore aujourd’hui, il a été revendu et porte le nom de "Planète Sauvage". Les cases du village africain servent à l'exposition des reptiles et des oiseaux et le village de Kirikou est né en lieu et place du village de Bamboula. C'est désormais le petit personnage du film de Michel Ocelot qui guide les visiteurs.
Papou et Bamboula, même combat
Je terminerai en parlant d'un autre biscuit qui ferait polémique aujourd'hui. Il s'agit de Papou, un sablé au chocolat, à la noix de coco et aux noisettes de la marque Brun. Lui aussi disparu des rayons pour les mêmes raisons.
La pub télé de 1979 est à voir ICI.
C'est fou comme on ne voyait pas le mal à cette époque !
Les visuels des BD et magazines ont été pris sur le site de l'artiste Mallock : http://www.mallock.fr/