Je suis retournée dans le village de mes grands-parents il y a quelques mois pour une occasion bien triste, l'enterrement de ma grand-mère, la dernière de mes quatre grand-parents. C'était une grande page qui se tournait...
En faisant le tour de leur ancienne maison qui a été vendue il y a quelques années déjà, j'ai essayé de voir si mon sapin Pif existait toujours dans le jardin, si on ne l'avait pas coupé. A mon grand soulagement, j'ai pu constater qu'il était toujours bien là, même s'il avait perdu quelques branches à cause de la tempête de décembre 1999 qui a été très violente dans ce coin de la Charente.
J'avais 12 ans quand j'ai eu la petite branche de sapin dans le numéro 714 de Pif-Gadget, c'était en décembre 1982, un joli cadeau de noël avant l'heure.
Ci-dessus la couverture du Pif dans lequel j'ai eu la pousse (enfin plutôt la seconde couverture car à cette époque-là le magazine avait une couverture différente au recto et au verso).
J'avais la chance d'avoir Pif toutes les semaines depuis mes 6-7 ans et j'attendais toujours le gadget avec beaucoup d'impatience, d'autant plus qu'il était annoncé la semaine précédente sur la dernière page du magazine, ce qui fait que la plupart du temps j'étais vraiment fébrile le mardi en ouvrant le blister pour trouver le gadget prévu !
On avait planté la brindille avec mon grand-père maternel dans un pot en terre cuite afin qu'elle puisse pousser, mais je l'avoue je n'y croyais pas vraiment. Et pourtant ! Quand le mini-sapin est devenu trop grand pour tenir dans le pot, on a décidé de le replanter en pleine terre mais cette fois chez mes grands-parents paternels à la campagne à 25 kilomètres de là car ils avaient plus de place chez eux. Il y avait en effet déjà sur leur propriété de nombreux sapins car mon grand-père était menuisier et il avait planté ces arbres afin de produire du bois pour en faire des meubles et des charpentes.
Nous n'avions pas voulu mettre mon sapin Pif à coté des autres arbres dans la sapinière où il aurait été insignifiant. Non ! Lui avait l'honneur de trôner au milieu du jardin potager, ce qui fait que je pouvais le voir facilement à chaque fois que je m'y rendais.
Je l'ai regardé grandir à chaque vacances passées chez eux, devenir de plus en plus grand et vigoureux et finir par me dépasser allègrement pour ne plus s'arrêter ! Incroyable que cette brindille de rien du tout, à peine 9 ou 10 cm, soit devenu un géant !
Donc c'est avec un grand bonheur que j'ai pu constater qu'il était toujours au même endroit en retournant dans le village de mes grands-parents. J'ai même eu du mal à le reconnaître, je ne l'avais pas vu depuis longtemps, il atteint plus de 10 mètres de haut aujourd'hui !
C'est pour moi un symbole du temps passé, un symbole de mon enfance qui me rappelle de bons souvenirs chez mes grands-parents. J'espère qu'il restera encore longtemps debout et qu'il aura une longue vie. 32 ans c'est encore très jeune pour un sapin !
Voici donc une image de mon arbre en 2014, un peu "déplumé" à cause de la tempête de 1999 mais toujours là !
Le terrain appartient aujourd'hui à la mairie. C'est donc devenu le sapin du village.
La saga des sapins Pif
Ce n'était pas la première fois que Pif offrait un sapin dans son magazine. En effet, dans le Pif-Gadget n°347 du 18 octobre 1975, l'hebdomadaire innovait en offrant pour la première fois de son histoire un plant de sapin "Picea Abies" et en titrant sur la couverture "Attention, dans deux ans, ce sapin sera plus grand que toi !". On y voyait l'arbre en dessin transpercer le toit d'une maison.
C'était un gros défi que s'était lancé Pif d'offrir un végétal vivant dans son magazine. Cette opération a demandé un énorme travail en amont pour trouver les plants afin de les offrir à ses petits lecteurs. 615 000 pousses ont ainsi été commandées auprès de la société "Sergaflor", basée en Hollande. Les petites boutures ont ensuite été conditionnées en France dans un sachet plastique où on voit Pif avec le pouce levé.
360 000 exemplaires ont été vendus.
L'opération sapin a été renouvelée en décembre 1982, c'est celui que j'ai eu (ci-dessous), puis en décembre 1987 avec le n°974 et début 1992 avec le n°1181. Il est apparu une dernière fois dans le numéro 2 de "Pif Découverte" de novembre 1993.
Il y a donc des milliers de sapins Pif de différentes générations plantés un peu partout sur notre territoire, c'est vraiment marrant d'y penser !
Ces numéros ont connu un énorme succès à chaque parution. Presque autant que ceux avec les pifises, qui étaient des artémias (sortes de mini crustacés) et les pois sauteurs du Mexique qui étaient des larves qui s'agitaient dans des graines.
Ci-dessous les Pif de 1987, 1992 et 1993.
Mode d'emploi
Voici les explications qui étaient données dans le mode d'emploi du gadget-sapin (issu du Pif n°347) avec de très belles illustrations par Luguy (l'auteur de "Sylvio" que j'aimais beaucoup) :
1) Après l'avoir sorti de son sac, fais un trou dans la terre... Puis, poses-y les racines avec leur terre !
2) Plante ton sapin dans un pot rempli de terreau ou dans ton jardin.
3) Après, c'est très important, recouvre les racines jusqu'aux premières branches.
4) Soutiens ton sapin à l'aide d'un tuteur. Arrose-le tous les jours et tu pourras le garder pendant trois ans sur ta fenêtre.
5) Ensuite, tu pourras le planter en pleine terre et le voir grandir de 80 cm tous les ans pour atteindre une hauteur de 30 à 40 m (10 étages).
Le petit garçon blond qu'on voit en photo dans cette double-page s'appelle Eric, c'était un petit voisin de la journaliste-pigiste qui a écrit le sujet, Annette Schreiber qui habite dans l’Essonne.
Le sapin a été planté chez elle et il y est toujours. Voici une photo d'Eric devenu grand, 36 ans plus tard, avec le sapin qu'il avait planté chez la journaliste, c'est le premier de tous les sapins Pif !
La communauté du sapin Pif
Joël Fauré, ancien lecteur de Pif et fonctionnaire au tribunal de grande instance de Toulouse, a créé un blog pour retrouver tous les sapins plantés par les enfants dans les années 70 et 80.
En 2011, 36 ans après la mise en terre de son propre petit sapin, il avait lancé un avis de recherche dans la presse, un "appel de la forêt" comme il l'a appelé, lui permettant de retrouver plus de 180 arbres à travers la France, mais aussi à l'étranger et de recueillir des témoignages très touchants.
Il dit vouloir "établir une sorte de "sapineraie" du coeur, du souvenir et de la mémoire". C'est une magnifique démarche qui ne peut que me plaire.
Je lui enverrai un lien vers mon article, ça lui fera sans doute plaisir.
Voici le lien vers son "appel de la forêt" de 2011 sur son blog :
http://pifgadget.blogs.
L'histoire de Joël Fauré dans l'émission "Mille et une vies" en 2016 où il était invité.
2015 : Pif parle de mon sapin !
2 décembre 2015, le 2ème numéro du nouveau Pif est paru avec une belle double page sur les sapins Pif : les Sapifs.
Il y a de ça deux mois, Frédéric Gargaud, le concepteur éditorial du nouveau Pif, m'a contactée par l'intermédiaire du blog en m'écrivant un très gentil message : "Pour le 2ème numéro du magazine Pif, proximité de Noël aidant, nous souhaitons faire une double page sur ce que sont devenus les anciens sapins Pif, et bien sûr les histoires qui ont germé avec. En furetant sur Internet, je suis tombé sur votre blog et j'ai lu avec beaucoup d'émotion votre article sur votre propre sapin Pif. J’aurais du coup beaucoup aimé partager cette histoire avec nos jeunes lecteurs."
C'est ainsi que j'ai pu discuter avec lui au téléphone dès le lendemain en évoquant mes souvenirs de cette fameuse brindille trouvée dans mon magazine préféré en décembre 1982, il y a 33 ans ! Je lui ai envoyé la photo de mon sapin et il a composé un petit texte pour l'accompagner.
Je suis extrêmement fière et touchée d'avoir pu participer à ce nouveau Pif, quelle belle surprise !
Des graines sont offertes dans ce numéro, peut-être retrouvera-t'on donc de grands sapins comme le mien dans 20 ou 30 ans !
Voici ce que donne la double page dans ce Pif de décembre 2015 :
Et un gros plan sur mon sapin.
Septembre 2022 : 40 ans aprés
A l'occasion de ses 40 ans, je suis allée en Charente pour vérifier que mon sapin était bien en place sur le terrain communal de Charras où il est planté, anciennement le jardin de mes grands-parents.
J'ai été rassurée de constater qu'il tenait toujours le coup, il se dresse toujours aussi fièrement parmi d'autres arbres dans le petit parc.
Pour le clin d'oeil, je me suis prise en photo en sa compagnie avec le magazine en main.
Et à mon retour à Bordeaux, j'ai eu l'idée de parler de mon sapin à Nicolas Espitalier, un ami journaliste, rédacteur en chef du Mag, le magazine de fin de semaine du journal Sud Ouest (où je travaille moi-même). Il a trouvé l'idée épatante, d'autant qu'il avait lui-même planté un sapin Pif chez ses parents quand il était petit.
Voici son petit texte avec ma photo dans le numéro daté du 26 novembre. Merci à lui.