
Si vous avez passé votre enfance à la campagne ou si, comme moi, vous alliez en vacances dans un petit village, vous avez forcément connu ces marchands qui klaxonnaient depuis leurs camions pour signaler leur arrivée et vendre du pain, de la viande, du poisson ou tout autres denrées. Il y en avait même qui vendaient des vêtements et du linge de maison.

Les magasins mobiles, c'était l'idéal pour ceux qui étaient éloignés de tout. Moi j'habitais en ville mais pendant toutes les vacances scolaires, j'allais chez mes grands-parents, à 25 kms de la ville.
Dans le petit village, il y avait une épicerie et une boulangerie mais rien d'autre. Alors le boucher qui passait deux fois par semaine avec son camion était le bienvenu, il apportait des provisions et aussi un peu d'animation dans les rues. Au fil du temps, il était devenu un familier de la maison, il y rentrait parfois pour apporter la marchandise et il avait même fini par tutoyer ma grand-mère.
Je me souviens très bien de son double coup de klaxon si particulier en fin de matinée. On était content de le revoir, ça rythmait nos journées. On discutait quelques minutes avec lui et on achetait son excellente viande. Je le revois encore avec son immense tablier blanc qui lui couvrait les jambes et une seule épaule, et son petit crayon derrière l'oreille.

Tous ces petits commerçants ont contribué (et contribuent encore aujourd'hui) à la vie de nos villages. C'était particulièrement le cas dans les années 60-70, à une période où la désertification rurale s'accentuait de plus en plus.
Pour information, entre 1966 et 1998, 140 000 commerces alimentaires ont disparu en France. Au profit des supérettes et des grandes surfaces bien entendu.

Pour les commerçants, se lancer sur les routes et faire des tournées en s'arrêtant dans tous les petits hameaux, c'était une manière de partir à la conquête de nouveaux clients et de permettre à leurs commerces de survivre car la plupart de ces commerçants avait des magasins basés dans une petite ville des alentours. C'était souvent leurs conjoints qui les tenaient.
Dans le petit village de mes grands-parents, l'épicier faisait des tournées pendant que sa femme restait à la boutique. J'avais 8-9 ans, j'étais copine avec leur fille et j'assistais régulièrement au remplissage du camion avant le départ. J'aurais aussi aimé partir en tournée et jouer à la marchande !
"Et avec ça ma p'tite dame, qu'est-ce que je vous sers ?".

Camions et fourgonnettes
Chez Renault, il y a eu les camions 1000 kg et 1400 kg qui étaient surnommés "Voltigeur" et "Goélette" (produits de 1947 à 1965). Il y a eu également l'Estafette (de 1959 à 1980).
Ci-dessous des Renault 1000 kg itinérants dans les années 50-60.



La 4L et la 4L fourgonnette de Renault servaient surtout aux boulangers.

Certains boulangers utilisaient également des camionnettes 2CV ou Acadiane de chez Citroën.

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Chez Peugeot, il y avait le J7 (1965-1980). Le grand panneau latéral pouvait s'ouvrir et faisait office d'abri pour les acheteurs. Le hayon arrière pouvaient également s'ouvrir en trois parties, formant un auvent. Les clients pouvaient être servis sur le côté ou à l'arrière.
A l'intérieur, il y avait souvent un étal, une vitrine réfrigérée, une table de découpe, une balance et des rayonnages.



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Mais le plus connu de ces camions marchands et le plus utilisé a été le camion Citroën type H. Parfois appelé le "tub" (acronyme de "Traction Utilitaire type B"), il a été présenté pour la première fois au Salon de l’auto de 1947 et a été produit jusqu’en 1981.
Ce robuste camion à la carrosserie ondulée caractéristique et au "nez de cochon" si reconnaissable était relativement léger, fiable et facile à réparer. De plus son plancher était bas et plat et il y avait une hauteur intérieure de 1,85 m.




Ci-dessous, un camion-bazar à Limoges.

De la bétaillère à l'ambulance en passant par les pompiers et le "panier à salade" (une allusion à sa capacité à secouer ses occupants), ce camion Citroën a connu un énorme succès durant plus de 30 ans, notamment le "HY", le plus connu et le plus vendu (473.289 véhicules).
Comme sur le Peugeot J7, les clients pouvaient être abrités et servis à l'arrière et sur le côté grâce au grand panneau latéral.
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Vêtements et linge de maison
Je me souviens que de temps en temps, un vendeur de vêtements et linges en tout genre passait dans le village. Ma grand-mère lui achetait des tabliers, des combinaisons ou draps.
Dans le nord de la France il y avait la marque Barbe-Bleue qui vendait du prêt-à-porter homme, femme et enfant.

Camions de glaces
On a tous connu je pense ces camions des glaciers qui venaient nous régaler à domicile. Ils avertissaient de leur passage avec leur klaxon ou une petite sonnerie. L'heure du goûter glacé était sonné !
Un grand dossier sur les glaces 70-80's ICI.
Ci-dessous une 4L, une Estafette, des méhari et un fourgon Citroën H.



Les camions services
Il y avait aussi les camions qui rendaient service en desservant les petites villes et les villages. Il y avait notamment les bureaux de Poste mobile. Des Citroën types "H" encore.


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La Caisse primaire d'Assurances Maladie.

La Caisse d'Epargne.

Et les bibliobus, bibliothèques mobiles qui permettaient aux enfants (et aux adultes) d'avoir accès aux livres, même hors des grandes villes.



Reportage en Corrèze en 1979
Dans la vidéo ci-dessous, diffusée sur Antenne 2 en 1979, on voit les époux Farge qui sont épiciers ambulants en Corrèze. Elle, s'occupe des achats, de l'étiquetage et de la comptabilité quand son mari s'occupe des tournées dans les villages et hameaux avec sa camionnette. Interviewés tour à tour pendant leurs activités respectives, ils évoquent le rythme de leur journée, le choix des produits, l'organisation du camion et des tournées, leur clientèle, leur goût pour ce métier, qui leur donne une liberté malgré les heures qu'ils ne comptent pas.
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Nous suivons Monsieur Farge dans sa tournée sur les routes de campagne en hiver. Klaxonnant à l'entrée des villages, conversant avec les clients, déjeunant dans sa cabine en "faisant chabrot" dans son bouillon. Quelques-uns des clients, hommes et femmes, sont interrogés sur l'utilité de ce mode de commerce pour eux et évoquent les marchands ambulants d'antan.
Dans le reportage, on peut voir des barquettes 3 chatons à l'image dans son camion !
Miniatures
Je termine en montrant quelques camions ambulants miniatures d'époque. Il est très difficile d’en dénicher vu la rareté, et à des prix corrects, d’où le succès des reproductions dès les années 90.
Ci-dessous des petites estafettes en tôle et plastique d’un fabricant jurassien Sésame (vendues 1Fr sur les marchés à l’époque). Le rarissime Renault 1000 kgs Primistères (de marque CIJ - Compagnie Industrielle du Jouet) et le type H Glaces Gervais (Dinky toys).
Il en existe d’autres - estafettes boucherie, boulangerie, épicerie etc...