J'adorais faire des décalcomanies quand j'étais petite, c'était très ludique et créatif. Il fallait être méticuleux pour mettre en scène les images et inventer des histoires. De quoi nous occuper pendant des heures.
Origines
Le mot décalcomanie est dérivé du mot français décalquer, le "-manie" a été ajouté à la fin du 19ème siècle. Au départ, c'était une technique décorative qui permettait de transférer des gravures sur des poteries et d'autres matériaux, elle a été inventée en Angleterre vers 1750 et importée aux Etats-Unis vers 1865.
La découverte est attribuée à Simon François Ravenet, un graveur français qui s'était installé en Angleterre et avait perfectionné le processus.
Au cours du temps, les progrès dans la lithographie (et bien sûr la chromolithographie) ainsi que dans la fabrication du papier et des films plastiques ont considérablement amélioré et simplifié cette technique qui s'est ainsi démocratisée.
Plusieurs procédés
Avec le plus ancien des procédés, le dessin était imprimé à l'envers. On laissait le décalcomanie tremper dans de l'eau, puis on l'appliquait sur le support et on retirait doucement le papier, laissant l'image apparaître.
Seconde technique, l'image était imprimée à l'endroit. On laissait tremper dans de l'eau, la colle se ramollissait ce qui permettait de faire glisser avec le doigt la pellicule avec l'image vers l’objet à décorer.
C'est ce dont on se sert en modélisme pour décorer des maquettes notamment.
Le troisième procédé est celui à sec, celui que nous avons tous connu dans les années 70 et 80 : l'image apparaissait sous un support transparent plastique (Calcasec) et se collait au support par frottage avec un crayon ou une pièce de monnaie.
Apparition en France
Les premiers décalcomanies avec décors cartonnés pour les enfants datent du milieu des années 60 aux Etats-Unis.
En France c'est surtout à la fin des années 70 et dans les années 80 qu'il y a eu un vrai engouement pour les transferts.
Les grands décors étaient constitués d'un fond de paysage : ville, forêt, mer, ferme, château etc... en 3 ou 4 volets à déplier.
Les scènes étaient désertes et c'était à nous de les animer à notre guise avec des éléments de décor et des personnages.
Il fallait tout d'abord retirer le papier très fin sous la feuille plastique qui protégeait les transferts puis on griffonnait avec le crayon à papier pour déposer les différentes éléments sur le fond coloré.
Je me souviens que je finissais toujours par avoir le dessous de la main toute grise avec le crayon à papier. J'avais essayé avec un stylo à bille mais je trouvais que la mine était trop fine et trop dure, on voyait les coups de crayon sur l'image transférée.
Ça n'était pas si facile que ça et il fallait être adroit pour ne coller que le personnage ou l'objet qui nous intéressait car si on ne prenait pas garde, on se retrouvait avec des moitiés de bonhommes ou des morceaux d'objets indésirables flottant en l'air. Et c'était pratiquement impossible ensuite à réparer, même en grattant avec une lame, j'ai essayé plus d'une fois !
Le résultat final n'était pas forcément à la hauteur de ce qu'on espérait car les images étaient parfois de diverses tailles ce qui permettait de faire des effets de profondeurs mais quand on est enfant, on ne connait pas la perspective ni les problèmes d'échelle. C'est comme ça qu'on se retrouvait parfois avec des personnages trop petits ou trop grands.
Un exemple ci-dessous avec des soldats beaucoup trop grands sur les toits des bâtiments.
Il y avait aussi souvent plus de motifs sur la feuille de transfert que ne pouvait en contenir le décor et comme on voulait tout mettre bien entendu, ça donnait parfois des scènes bien chargées. Moi j'avais pris l'habitude de me servir du surplus pour décorer mes cahiers.
Malgré toutes ces petites difficultés, j'aimais vraiment beaucoup les décalcomanies. C'était passionnant de placer où on voulait les personnages, de laisser aller son imagination pour inventer toute une histoire.
Différentes marques
Les premières séries de transferts ont été commercialisées par Letraset, société qui ne fabriquait au départ que des lettres et des chiffres. Les premiers décalcomanies étaient monochromes, noires ou blanches. Les sujets étaient plutôt centrés autour de la nature et des animaux puis il y a eu des cow-boys, des chevaliers, des vaisseaux spatiaux, du sport, etc ...
Chez Touret, ils mettaient en scène les contes (Barbe bleue, les voyages de Gulliver ou autres).
Evidemment il y a eu aussi tout ce qui était Comics, Marvel, Disney, dessins animés, séries télé etc...
Voici les principales marques de décalcomanies qu'on pouvait trouver en magasin : Super Doodles, Action transfert et Panorama, tous les trois de chez Letraset, Trans'Rama de chez Jesco, Decorama de chez Touret, Calco, Hemma, Lionrama, Kalkitos etc...
Letraset
Ci-dessous une publicité magazine pour Action Transfers en 1970.
De superbes décalcomanies Star Wars de 1977 avec 3 scènes différentes.
Letraset Bataille des planètes.
Transrama
Transrama et ses gammes BD et dessins animés.
Transrama avait sorti également une série avec Casimir.
Kalkitos
Panoramas et albums Kalkitos.
Publicités de 1978 pour Kalkitos.
Transdécor
Super Transfer(t)
Goldorak 1979
Candy 1978, édité par Téléguide.
Touret
Mes décalcos
Ma maman m'achetait régulièrement des grands panoramas qui se dépliaient en 3 ou 4 parties et ça m'occupait des heures. Ça n'était pas très cher, de 2 à 5 francs à peine.
Ci-contre à droite une photo de moi à 9 ans dans ma chambre. Au dessus de mon lit, sur le mur, j'avais punaisé un de ces fameux panoramas. Celui-ci était sur les animaux de la jungle.
Je me souviens avoir eu surtout des décalcomanies de la marque Decorama.
Il y a quelques années, j'en ai acheté un encore sous plastique sur "La savane", ça m'a fait tout drôle de revoir ça.
Je ne l'ouvrirai pas bien sûr mais ce n'est pas l'envie qui m'en manque pour avoir juste le plaisir de sentir de nouveau cette odeur particulière de plastique, de choisir l'emplacement du motif, de le frotter bien consciencieusement avec la pointe du crayon pour le placer sur le paysage, puis de décoller avec beaucoup de précautions le film plastique en surveillant bien que l'image soit entière et enfin contempler "mon oeuvre" !
Décalcomanies en cadeaux
Si on avait de la chance, on pouvait trouver des mini-planches de décalcomanies dans les paquets de Vache qui rit avec Goldorak, c'était en 1978. 10 planches différentes à collectionner.
Et en 1980 si on achetait des biscottes Braisor, on pouvait trouver des décalcos Albator.
Dans le Journal de Mickey nº 1903 de décembre 1988, on pouvait trouver une planche de décalco Rox et Rouky.
Le mambo du décalco
Richard Gotainer a écrit une chanson que nous connaissons tous sur les décalcomanies mais il y décrit les transferts que l'on fait glisser avec le doigt après les avoir trempés dans l'eau. Je pense que c'est dû au fait que Gotainer fait partie de la génération d'avant où les décalcos se faisaient encore de cette manière :
"Une notice au dos
C'est le mode d'emploi
Laissez tremper dans l'eau
Et comptez jusqu'à trois
Sur un support bien lisse
Ça devient un réflexe
On maintient de l'index
Et du pouce on coulisse"
Allez, juste pour le plaisir on se refait un petit coup du "mambo du décalco", j'adore !