Lorsque j'ai vu les images, j'ai tout de suite reconnu cette touche particulière et cela m'a donné envie d'écrire un article pour me replonger dans l'ambiance de cette série que j'aimais beaucoup regarder lorsque j'étais petite avec ma grand-mère.
Elle raconte l’histoire des brigades mobiles qui furent créées par Georges Clémenceau, alors ministre de l'Intérieur et surnommé le Tigre, pour moderniser les forces de police et contrer la montée du banditisme. L’action se déroule à la Belle Epoque autour du commissaire Valentin et des inspecteurs Pujol et Terrasson qui mènent l'enquête afin de déjouer les complots politiques et de traquer les meurtriers et les trafiquants d’armes.
On les voit évoluer avec leur temps grâce aux nouveaux équipements tels l'automobile, le téléphone ou le microscope ainsi qu'aux techniques de pointe de l'époque : empreintes digitales, photographies anthropométriques, analyses chimiques etc ...
La série comporte 36 épisodes de 52 minutes répartis en six saisons. Elle a été diffusée de 1974 à 1983, d'abord sur la deuxième chaîne de l'ORTF puis sur Antenne 2.
L’action des quatre premières saisons, tournées de 1973 à 1978, se situe entre 1907 et 1914. Les deux dernières saisons, tournées en 1982 et 1983, se passent pendant l’entre-deux-guerres : "Les Nouvelles Brigades du Tigre" (saison 5) et "Les Brigades du Tigre : les années folles" (saison 6). Une septième et dernière saison était prévue mais elle n'est jamais entrée en production suite à un changement de direction au sein d'Antenne 2.
La génèse
Le scénariste Claude Desailly (ci-dessous en photo) avait pensé à ce thème dès 1968 par l'intermédiaire de l'historien Alain Decaux avec qui il avait précédemment travaillé. Celui-ci voulait créer une série policière équivalente à ce qui se faisait aux Etats-Unis à la même époque, notamment "les Incorruptibles".
Alain Decaux le mit en relation avec Pierre Bellemare qui voulait en faire un projet de grande envergure mais ayant vu trop grand (150 épisodes étaient prévus !), le projet tomba à l'eau. L'idée ressurgit trois ans plus tard grâce au producteur Roland Gritti avec qui Claude Dessailly avait travaillé auparavant. Roland Gritti avait déjà produit "Les Nouvelles Aventures de Vidocq" avec Claude Brasseur en 1971 et cherchait justement une idée de série policière.
Afin de trouver l'inspiration pour les scénarios des différentes épisodes, Claude Desailly fit un travail de recherche dans les archives des brigades mobiles (qui ont réellement existé, elles sont l’ancêtre de l’actuelle police judiciaire) mais il a vite déchanté car la grande majorité des affaires résolues concernait des petits larcins sans grand intérêt. Il dût donc inventer toutes les histoires en utilisant habilement les évènements et les personnages de cette époque.
Il écrivit la totalité des scénarios et des dialogues des 36 épisodes. Quant au réalisateur Victor Vicas, il travailla sur la série au cours des six saisons également, c'est assez rare pour être noté.
Ci-dessous une image tirée des "Nouvelles Brigades du Tigre" (saison 5) :
Le tournage
Il durait trois mois par saison. Les huit premiers jours étaient consacrés à l'ensemble des séquences dans les bureaux pour les six épisodes donc plusieurs histoires étaient filmées en même temps. Autant dire que cela ne devait pas être facile pour les acteurs qui devaient constamment se souvenir dans quelle histoire ils évoluaient.
Toutes les scènes en extérieur étaient tournées par la suite.
Au final, un épisode nécessitait entre onze et quatorze jours de tournage. Les prises de vues étaient en son direct ce qui explique qu'on entende moins bien les acteurs par moment (notamment ceux qui ne sont pas au premier plan) ou qu'il y ait des bruits parasites.
Plusieurs tournages ont eu lieu dans le Loiret et dans la ville d'Orléans où certaines rues offraient une bonne idée du Paris du début du siècle, comme la Place Saint-Aignan. La circulation était momentanément coupée, interdisant à tout véhicule moderne de s'y aventurer. D'autres tournages ont été réalisés en Belgique avec des acteurs locaux.
Ci-dessous, le tournage dans les rues d'Orléans et ci-dessus à droite, une coupure de journal montrant la rue de la Bretonnerie (toujours à Orléans).
Les acteurs
Jean-Claude Bouillon
Le commissaire Valentin était interprété par Jean-Claude Bouillon.
Lorsqu'il apprend la création des brigades, le charmant inspecteur Paul Valentin, policier intègre et réfléchi, demande sa mutation et accède rapidement au grade de commissaire. Il est secondé par ses amis, les inspecteurs Terrasson et Pujol.
Après l’arrêt de la série, Jean-Claude Bouillon a poursuivi sa carrière sur le petit et le grand écran. Il a notamment joué dans "Sous le soleil" de 2003 à 2007, "R.I.S Police scientifique" en 2008 et "Plus belle la vie" en 2011.
Il est décédé le 31 juillet 2017 à l'âge de 75 ans.
Pierre Maguelon
Pierre Maguelon était l'inspecteur Marcel Terrasson, un grand gaillard à l'accent méridional, l'homme fort du trio qui n'hésite pas à se servir de ses poings pour faire règner l'ordre. Ses amis le surnomment "Le Colosse de Rodez."
L'acteur, qui a joué dans pas mal de films et séries, est décédé le 10 juillet 2010 à l'âge de 76 ans.
Jean-Paul Tribout
Jean-Paul Tribout était l'inspecteur Gustave Pujol, plus petit et frêle, ce policier rusé et discret est un champion de la filature et du déguisement.
L'acteur, qui a beaucoup plus joué au théâtre qu'au cinéma ou à la télévision, est devenu metteur en scène, il est actuellement directeur artistique du Festival des Jeux de Théâtre de Sarlat et du Festival de la comédie de Dax.
Il a doublé le principal Strickland dans "Retour vers le Futur" et aussi Ice, joué par Val Kilmer, dans "Top Gun".
François Maistre
Le redouté divisionnaire Faivre était interprété par François Maistre (le comédien a d'ailleurs souvent été abonné aux rôles de policiers). Le chef des Brigades mobiles fut remplacé après la 1ère guerre mondiale (à partir de la saison 5) par le divisionnaire Gabrielli, joué par Pinkas Braun, un acteur allemand. Le but étant de satisfaire aux exigences de la coproduction franco-allemande. Il fut doublé par Jacques Deschamps (la voix française de Richard Anderson dans "L'Homme qui Valait Trois Milliards" et "Super Jaimie").
Il est décédé le 16 mai 2016 à l'âge de 91 ans.
Autres acteurs
De nombreux comédiens ont joué les guests-stars, entre autre Macha Béranger, Isabelle Mergault, Katia Tchenko, Eddie Constantine, Jacques Legras, Marion Game, Catherine Alric, Laurence Badie, Guy Montagné.
Ci-dessous on peut voir Katia Tchenko, Marion Game et Catherine Alric :
L'ambiance sur le tournage était excellente, les trois acteurs principaux s'entendaient à merveille et étaient même devenus amis dans la vie. Cette complicité pouvait se percevoir à l'écran.
Petite anecdote au passage, le succès n'étant venu qu'à partir de la seconde saison, Jean-Paul Tribout avait baptisé la série : "Les Trigades du Bide" !
La musique
Elle a été composée par Claude Bolling et a grandement contribué au succès de la série. On doit également au compositeur la très belle B.O de "Borsalino" (film de Jacques Deray en 1970), qui fut utilisée comme générique de "La séquence du spectateur" dans les dernières années. A écouter ICI.
Les thèmes des scènes d’action ou de suspens étaient particulièrement inoubliables, ils permettaient de s'immerger complètement dans l'ambiance policière du début du siècle. Ils m'ont beaucoup marquée, notamment celui-ci qui évoquait le suspens et dont je me suis toujours souvenu, je l'aimais particulièrement. Je suis contente d'avoir pu le trouver pour en partager quelques secondes ici :
Le générique composé par Claude Bolling, "La complainte des Apaches", était chanté par Philippe Clay, les paroles étaient d'Henri Djian (les Apaches était un gang du Paris de la Belle Époque).
Je souris en y pensant car la chanson commence par ces paroles "M'sieur Clemenceau, vos flics maintenant sont devenus des cerveaux", et moi à chaque fois je pense que c'est plutôt "vos flics maintenant sont devenus des salauds" ! A tel point que j'ai eu du mal à me souvenir des vraies paroles quand j'ai préparé ce sujet, il a fallu que j'aille vérifier !
Le générique de la cinquième saison a connu quelques variantes instrumentales et il n'y a plus de paroles chantées. Pour la sixième et dernière saison, Claude Bolling réarrangea la musique une nouvelle fois.
Les dessins
Avant le générique de chaque épisode, il y avait un prologue, une petite présentation constituée de dessins avec une voix off qui permettait de resituer la fiction dans le contexte socio-politique et historique de l'époque. La voix, qui concluait également les épisodes, était celle de Claude Dasset dans un premier temps puis de Jacques Thébault, un comédien doubleur dont on connait bien les intonations puisqu'il est aussi entre autre la voix de Robert Conrad dans "Les Mystères de l'ouest" et "Les têtes brûlées" ou de Lucky Luke dans le dessin animé. Pour l'anecdote, il était également le narrateur dans la série "Les Incorruptibles".
Voici le premier générique avec la voix Claude Dasset :
Et le générique des "Nouvelles brigades du tigre" avec la voix de Jacques Thébault, il n'y a plus de paroles sur la musique.
L'exposition dont je parlais au début de l'article a lieu jusqu'au 1er février 2014 à Libourne (32 kms de Bordeaux).
Elle présente 94 dessins gouachés originaux qui servaient au générique et aux fondus enchaînés des épisodes. C’est la plus grande exposition jamais réalisée sur le sujet grâce aux prêts de la galerie parisienne Semiose et de plusieurs collectionneurs privés.
L'artiste auteur de ces dessins, André Raffray (décédé en 2010), était entré en 1953 au service animation de la société Gaumont dont il devint plus tard le responsable et où il resta jusqu’en 1982. Il y rencontra Victor Vicas qui lui confia la réalisation des images des prologues. Il assistait aux projections privées et discutait avec le réalisateur des mises en scène des peintures. La documentaliste et la monteuse lui fournissaient les photos et les images nécessaires à la réalisation des illustrations. Raffray effectuait un méticuleux travail d'enquêteur en apportant beaucoup de détails à ses dessins et en leur donnant un aspect cinématographique. Comme il le dit lui-même :"Jamais auparavant dans mon travail le dessin n'avait autant épousé le cinéma".
Les gouaches qui étaient réalisées sur carton (18 x 24 cm), étaient ensuite filmées sur un banc d’animation afin de raccorder, en fondu enchaînée ou en coupe, avec les images réelles.
Ci-contre, Jean-Claude Bouillon et Jean-Paul Tribout début 2013 lors d'une précédente exposition des dessins d'André Raffray.
Voici quelque-uns des magnifiques gouaches légendés qui permettent de replonger dans les épisodes les plus marquants.
1907
Le célèbre groupe anarchiste de La Bande à Bonnot, auteur de nombreux attentats, est démantelé par les Brigades du Tigre. Le repaire de Bonnot est assiégé par la police. Mais l'affaire n'est pas terminée. Un déséquilibré déclare vouloir délivrer ses amis emprisonnés. Il s'appelle Lacombe, dit "Nez de chien"..
1908
Scotland Yard fait savoir au chef des brigades mobiles que le plus célèbre escroc du Royaume-Uni, Tommy Bennett, spécialiste de vols de bijoux, est venu sur le territoire français. Les brigadiers lancent une chasse à l'homme pour arrêter ce bandit, mais ce dernier s'avère difficilement saisissable.
1911
A force de multiplier les crimes, "La confrérie des loups", un mystérieux syndicat du crime, jette le trouble dans la population. Les Brigades du Tigre enquêtent.
1913
La rumeur court que le milieu du crime a infiltré la police. Après une accusation de corruption, le commissaire Valentin des Brigades du Tigre va devoir donner sa démission
1914
Un conflit oppose le monde politique et la presse. Un jeune député Germain Bergeval essaye de rester honnête mais il est victime de calomnies. Il crée un mouvement, les "Vrais Démocrates". Un jour, la presse publie trois lettres manuscrites de Bergeval qui démontrent ses moeurs scandaleuses.
1918
La paix est revenue. Mais une nouvelle délinquance fait son apparition et la criminalité augmente. Les brigadiers doivent faire face à une série d'attentats inattendus: vol d'un avion militaire, bombardement des jardins de l'Elysée...
1927
L'affaire Sacco et Vanzetti ébranle le monde. Le juge Webster, l'homme qui a fait condamner les deux anarchistes, vient en France avec sa famille pour passer les fêtes de Noël dans le château de Sermoise. Les brigades du Tigre sont chargées de sa surveillance.
1929
La prohibition aux Etats-Unis favorise la production française d'alcool et son commerce clandestin, auquel Al Capone s'intéresse de fort près. Le chef de la mafia de Chicago envoie l'un de ses agents dans l'Hexagone. Prévenues, les brigades du Tigre prennent l'individu en filature dès son arrivée en France. Mais après quelques jours d'observation, les brigadiers s'aperçoivent vite que Cosmano est venu sur Paris pour s'amuser.
Cinéma
Il y a eu une version cinématographique des "Brigades du Tigre" en 2006, réalisée par Jérôme Cornuau. Clovis Cornillac y interprétait le commissaire Valentin, Édouard Baer, l'inspecteur Pujol, Olivier Gourmet, l'inspecteur Terrasson. Gérard Jugnot jouait le commissaire Faivre.
Le bide relatif qu'a fait le long métrage s'explique par le fait que l'époque n'était pas respectée contrairement à la série et qu'il y a eu pas mal d'erreurs chronologiques.
Détail insolite : l'actrice Myriam Boyer, mère de Clovis Cornillac, a joué le rôle d'une prostituée dans un des épisodes de la série en 1974. Elle y donne la réplique au commissaire Valentin qui sera interprété par son fils 32 ans plus tard !
J'espère que mon sujet vous aura rappelé de bon souvenirs de cette série culte française (elles ne sont pas si nombreuses) qui combinait si habilement le suspens, l'action et l'humour et que j'appréciais beaucoup même si à l'époque je ne comprenais pas forcément tout. En tout cas, on y apprenait des choses sur la petite et la grande histoire sans que cela ne soit rébarbatif pour des enfants.
Merci au site "Le magazine des séries" pour les infos.