S'il y a bien une publicité qui m'a fascinée dans les années 80, c'est celle pour le sucre avec ses cascades ininterrompues de dominos blancs entre une multitude de gâteaux et de plaques de chocolat. Il faut dire que j'ai toujours été une grande gourmande, cela n'a donc rien de surprenant que ce genre de spectacle m'enthousiasme autant !
Pour bien comprendre pourquoi une campagne de publicité a été faite pour le sucre en 1986, voyons d'abord comment il était perçu à cette époque-là.
Contexte économique
Parallèlement à cela, à cette même époque, les français sont devenus de plus en plus sensibles aux troubles de la santé liès au sucre comme le diabète, les caries et le surpoids, c'était déjà la mode des régimes et du fitness.
Nouvelle campagne
Dès 1986, sentant le vent tourner, la Collective du Sucre demanda à l'agence de publicité Publi-Est (qui deviendra par la suite Equateur) de lancer une grande campagne publicitaire à la télévision afin de redonner au petit carré blanc l'image d'un produit dynamique, de qualité, irremplaçable et naturel, et surtout de déculpabiliser le consommateur sur la notion de plaisir.
- il vaut mieux faire confiance à un produit naturel qu'aux produits chimiques.
- un peu de sucre ne porte pas à conséquence et fait plaisir.
D'où ce fameux slogan qui est resté dans toutes les mémoires : "le sucre, le plus petit des grands plaisirs".
Il fallait trouver un élément fédérateur et générique que tout le monde reconnaitrait. Que pouvait-il y avoir de plus représentatif que le morceau de sucre lui-même ? un produit banalisé mais tellement identifiable. Simon Gerstenhaber, alors patron de l'agence Publi-Est, raconte que l'idée de ce spot lui est venue alors qu'il regardait à la télévision un reportage sur les championnats de dominos au Japon. C'est donc ainsi qu'est né le concept de ce show spectaculaire dans lequel le morceau de sucre vit tout un tas d'aventures.
Réalisé par Atsuta au Japon (les japonais étant les plus compétents et les moins chers), il a nécessité six mois de préparation, huit jours de tournage et un budget de 1,4 million de francs.
Un architecte en dominos a supervisé le montage du spectacle et a dû se livrer à des calculs complexes pour déterminer la vitesse à laquelle les sucres tombaient afin de régler celle de la caméra.
150 000 morceaux de sucres en plastique ont été fabriqués à Taïwan pour l'occasion. La vraie performance, c'est que le spot a été réalisé sans aucun trucage : à la fin, le sucre a vraiment hésité sur le rebord de la tasse de café !
Le film obtenu a remporté de nombreux prix et surtout un succès unanime auprès du grand public. Entre octobre 1986 et février 1987, la consommation de sucre de bouche (domestique) a augmenté de 3 points, soit 65 000 tonnes !
1986
Voilà donc le spot de 1986 en version longue de 60 secondes. Il était diffusé également en format 30 secondes.
Il est indiqué 1988 sur l'extrait de l'émission "Génération Publivores" mais c'est bien celui de 1986.
Carte postale de 1987.
1988
Deux ans plus tard, en 1988, un autre spot a été tourné avec toujours plus d'aventures et de cascades, pour le plaisir des yeux des gourmands.
J'aimais particulièrement les beaux gratte-ciels en chocolat !
1989
L'année d'après, les publicitaires recyclent le spot de 1988 en y ajoutant une fin différente.
Les Nuls ont fait un remake de cette pub en y ajoutant une "chute" drôle et inattendue !
Est-ce que vous savez qui a inventé le sucre en morceaux ? Car c'est une spécialité exclusivement franco-française pour ceux qui l'ignoraient, ailleurs on se sert uniquement de sucre en poudre.
Jusqu'en 1854, le sucre n'existait que sous forme de pain, il était livré ainsi dans les épiceries. Le "cassage" du sucre se faisait alors avec un couperet et un marteau. C'est un épicier parisien, Eugène François, qui a mis au point système de sciage et de cassage des pains en 1875.
En 1949, Louis Chambon met au point une technique qui permet de souder entre eux les cristaux de sucre humidifiés à chaud : le moulage par compression. C'est toujours cette méthode qu'on utilise aujourd'hui pour fabriquer par exemple les dominos n°3 et n°4.
Allez, encore une petite question à 10 centimes, savez-vous à quoi correspondent ces fameux numéros 3 et 4 des morceaux de sucre ?
Le sucre moulé en morceaux se décline selon des numéros qui correspondent au nombre de rangées contenues dans la largeur d'une boîte de 1 kg. Les morceaux sont donc d'autant plus gros que le chiffre est faible. Les calibres les plus fréquents sont le n°3 (7,9 g) et le n°4 (5,9 g).
Remake maison
Voici pour finir en "cadeau bonus" un remake de la fameuse pub que j'ai fait avec mes deux garçons il y a de ça plusieurs années quand ils étaient petits. Ils avaient participé avec plaisir à la mise en place des décors et au calage du son. On avait improvisé en prenant tout ce qui était sucré dans notre cuisine !
Vu le travail que ça nous a demandé pour ce mini parcours, je n'en admire que plus encore les personnes qui ont eu la patience de mettre en place les milliers de morceaux de sucre necessaires au tournage du spot original !